Défense du Nutri-Score

action requise

Professionnels de santé et scientifiques se mobilisent en France pour défendre
Nutri-Score face aux nouvelles attaques des lobbys économiques et politiques

 

Communiqué publiée par Pr Serge Hercberg
Professeur Emérite de Nutrition, Université Sorbonne Paris-Nord
Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN)

Depuis plusieurs semaines on assiste à une violente offensive anti Nutri-Score menée en France par les secteurs des fromages et des charcuteries qui se disent «pénalisés» par la notation de leurs produits. C’est le projet de la Commission Européenne de proposer fin 2022 un logo nutritionnel obligatoire pour l’Europe qui mobilise ces secteurs agricoles de grandes multinationales qui font de la résistance car elles n’apprécient guère d’être forcées de fournir aux consommateurs une information enfin compréhensible sur la composition nutritionnelle de leurs produits. Il est vrai qu’une grande majorité des fromages et des charcuteries sont classés D et E. Mais ce n’est pas la faute du Nutri-Score qui n’invente rien. Il ne fait que traduire, sous une forme simple et compréhensible, la réalité de leur composition nutritionnelle, caractérisée par une teneur importante en graisses saturées et en sel et un apport calorique élevé, ce qui figure d’ailleurs dans le tableau nutritionnel incompréhensible actuellement présent au dos des emballages. C’est un fait : même s’ils font partie de notre patrimoine culinaire, ces aliments ont une composition nutritionnelle qui n’est pas favorable et le Programme National Nutrition Santé recommande d’en limiter la consommation. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas en manger. Comme le rappelle la communication du Nutri-Score, les produits classés D ou E peuvent être consommés dans le cadre d’une alimentation équilibrée, mais plutôt en petites quantités et pas trop fréquemment.

La campagne lancée contre le Nutri-Score par les producteurs de Roquefort, suivis par ceux du Rocamadour, du Maroilles, de bien d’autres fromages et charcuteries s’appuie sur l’image emblématique dont jouissent ces produits dans la gastronomie française, leur ancrage territorial et leur côté traditionnel. Ils laissent entendre que ces propriétés, toutes dignes de considération, leur conféreraient des qualités qui les rendraient inattaquables quant à leur composition nutritionnelle.

Faire partie du patrimoine culinaire, avoir une appellation d’origine AOP ou IGP sont des éléments très respectables qui méritent d’être valorisés. Ces appellations garantissent que ces aliments ont été produits dans une zone géographique déterminée, selon un savoir-faire reconnu respectant un cahier des charges spécifique. Cependant, à aucun moment ces labels n’intègrent dans leur attribution la notion de « qualité nutritionnelle ». Donc même avec un label AOP/IGP, les fromages (comme les charcuteries) riches en acides gras et en sel et caloriques restent riches en acides gras, en sel, et en calories. Nutri-Score et les labels AOP/IGP fournissent des informations de nature différente qui ne se substituent pas.

Qui se cache derrière l’image positive et sympathique de ces produits perçus comme traditionnels et qui s’opposent aujourd’hui à Nutri-Score ? On trouve, en fait, de puissantes multinationales comme Lactalis (n°1 mondial des produits laitiers) et Savencia (5ème groupe mondial). Lactalis détient à lui-seul 70 % de la production de Roquefort et de nombreux autres fromages, contrôle la moitié des AOP françaises et commercialise également des crèmes dessert, du beurre, de la crème fraiche, tous des produits classés plutôt D et E par le Nutri-Score. Savencia, à côté de sa large gamme de fromages dont plusieurs AOP (Maroilles, Roquefort, Epoisses), produit également de la charcuterie et du chocolat (également D et E). Derrière l’image des petits producteurs locaux et éleveurs de brebis mise en avant dans la communication anti Nutri-Score, se camouflent des grands groupes agro-alimentaires qui défendent avant tout leurs propres intérêts financiers. Ainsi en attaquant Nutri-Score pour soi-disant défendre les fromages AOP, c’est en fait un cheval de Troie que Lactalis et les autres industriels avancent pour tenter de bloquer ou dénaturer le Nutri-Score. D’ailleurs, en parallèle, Lactalis mène une autre opération de déstabilisation de Nutri-Score en proposant pour ses autres produits non AOP, son propre logo fait-maison « C’est l’assiette qui compte », évidemment favorable à ses produits.

Des relais politiques ne manquent pas de se mobiliser. Nombre de députés, sénateurs, et responsables politiques locaux se positionnent en grands défenseurs des intérêts économiques des filières de production des régions où ils sont élus ou candidats. A aucun moment ces politiques n’évoquent les grands enjeux de santé publique liés à la nutrition auxquels la France est confrontée (obésité, cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète…) et pour lesquels le Nutri-Score a été démontré capable de contribuer à réduire le risque. Ils nient les multiples études scientifiques mettant en évidence l’intérêt et l’efficacité du Nutri-Score pour améliorer la santé de la population et son impact particulièrement net pour les populations défavorisées. Pire, sans argument scientifique, ils exigent d’exempter du Nutri-Score les fromages de leur région voire tous les aliments ayant une appellation d’origine, refusant aux consommateurs la transparence sur la composition nutritionnelle de ces produits à laquelle ils ont droit. Ils feraient mieux de rappeler que la présence des deux informations sur les produits peut permettre de tendre vers le concept: « consommer moins mais mieux ». S’il faut limiter la consommation d’une famille d’aliments comme l’indique le Nutri-Score, en accord avec les recommandations de santé publique, les labels permettent d’orienter les choix dans cette catégorie, vers des produits qualitatifs, locaux, plus vertueux quant à leurs modes de production.

Une fois de plus la santé publique est confrontée à des intérêts économiques industriels. S’il est bien prévu de faire évoluer le Nutri-Score en fonction des connaissances scientifiques, ces évolutions ne doivent pas être faites pour faire plaisir à des secteurs économiques ou des politiques pour des raisons électoralistes. Ce qui doit compter avant tout, c’est l’intérêt et la santé de consommateurs informés et éclairés.

L’enregistrement des signatures se fait en remplissant le formulaire dédié sur le site : https://framaforms.org/nutriscore-1638781659
Ce texte et la liste des signataires actualisés sont accessibles sur le site :https://nutriscore.blog/2021/12/08/professionnels-de-sante-et-scientifiques-se-mobilisent-en-france-pour-defendre-nutri-score-face-aux-nouvelles-attaques-des-lobbys-economiques-et-politiques/

Ce texte a également fait l’objet d’une Tribune publiée le 16 novembre 2021 dans le Monde (avec ses 10 premiers signataires)

Liste des 920 premiers signataires